lundi 18 août 2025

Air Canada : quand les avions volent, mais que l’humain reste cloué au sol


 

C’est presque ironique. Une compagnie aérienne qui passe son temps à négocier des conventions si longues qu’on aurait dit des vols directs sans escale… et qui se retrouve aujourd’hui en plein trou d’air social.

En 2008, Air Canada frôlait la chute libre : 5,4 milliards de dettes, un moteur financier en feu. Pour éviter le crash, on a sorti le parachute d’urgence : des conventions collectives de dix ans. Dix ans de calme, dix ans sans turbulences sociales. Une paix achetée à crédit.

Mais voilà : dans la vraie vie, le monde ne reste jamais figé. Le prix du logement explose, l’inflation dévore les salaires, et les promesses d’hier deviennent aujourd’hui un contrat trop serré, comme un uniforme d’agent de bord oublié à la buanderie trop longtemps.

Le réveil brutal

Les pilotes en 2024 : grève.
Les agents de bord en 2025 : grève.
Les machinistes en 2026 : on prend les paris.

Quand tout arrive en même temps, ce n’est plus un simple conflit de travail, c’est une symphonie de colère orchestrée par le temps. Les conventions de dix ans, saluées en 2014 comme « historiques », apparaissent aujourd’hui comme une bombe à retardement.

Un expert le dit sans détours : « Ce n’est pas une bonne idée. » Et on le comprend. Dix ans, c’est une éternité quand le prix du panier d’épicerie grimpe comme une fusée.

Le dilemme : profits ou dignité

Air Canada voulait sauver la compagnie. Les employés, eux, veulent sauver leur quotidien. Voilà tout le drame : entre les colonnes d’Excel et les fins de mois, il y a une faille qui s’élargit.

Un pilote gagne bien sa vie, mais même là, on parle d’un rattrapage massif après une décennie de gel. Les agents de bord, eux, n’ont plus la certitude de pouvoir joindre les deux bouts. Derrière chaque uniforme repassé, il y a une mère monoparentale qui compte ses factures, un jeune qui rêve d’acheter un condo inaccessible, un père qui choisit entre l’épicerie et l’essence.

La question n’est pas : Air Canada survivra-t-elle?
La question est : à quoi sert une compagnie qui oublie ceux qui la font voler?

La grève : mal nécessaire ou atterrissage forcé?

Personne n’aime la grève. Ni les voyageurs coincés dans les aéroports, ni les familles privées de vacances, ni les employés eux-mêmes qui perdent des semaines de salaire. Mais c’est leur seul levier.

Comme le dit Barry Eidlin, sociologue du travail : « Sans droit de grève, la négociation collective est impossible. » C’est l’équilibre fragile entre un employeur géant et des travailleurs qui n’ont que leur solidarité comme parachute.

La leçon

Ce qui sauve parfois à court terme peut empoisonner à long terme. Les conventions de dix ans ont donné la paix… mais elles ont transformé l’horizon en mur de nuages. Aujourd’hui, Air Canada récolte ce qu’elle a semé : du temps gagné, mais pas de problèmes réglés.

Et c’est là que l’humain doit redevenir la boussole. Un avion, ce n’est pas qu’une machine bardée de technologie. C’est un pilote qui prend le manche à 3 h du matin, une agente de bord qui rassure un enfant turbulent, un mécanicien qui visse un boulon invisible pour la sécurité de tous.

L’entreprise vit de ses chiffres, mais elle survit grâce à ces gens-là.

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